Hello,
J’ai longtemps cru que ce qui me fatiguait au travail, c’était le rythme.
Les to-do. Les heures passées devant l’écran. Les réunions qui s’enchaînent.
Je me trompais.
Ce n’est pas ce que je faisais qui m’épuisait le plus. C’était tout ce que je retenais, les mots que je n’osais pas dire, les émotions que je planquais derrière un sourire, les tensions que je faisais taire pour “rester pro”.
Ce mois-ci, vous m’avez demandé sur Linkedin qu’on parle d’émotions et de santé mentale au travail. Alors on y va. Bienvenue dans la série Bordel d’émotions #1
😮💨 Bordel, pourquoi on ravale autant ?
Ce que je viens de décrire a un nom en psychologie : la suppression émotionnelle.
C’est un réflexe qu’on utilise tous : taire ce qu’on ressent pour ne pas déranger, pour tenir le cadre, pour “sauver la face”.
À court terme, c’est efficace. On évite le conflit, on garde le contrôle apparent.
👉🏻 À long terme, ce qu’on retient ne disparaît pas. Pire, ça reste et c’est le corps et la tête qui encaissent.
🧠 Ce que la psycho nous apprend
James Gross, chercheur en psychologie à Stanford, a beaucoup étudié ce phénomène depuis les années 1990. Il a montré à quel point la suppression émotionnelle est un réflexe courant — et coûteux.
Dans une de ses études (Gross & Levenson, 1993), il a demandé à des participants de regarder des vidéos très chargées émotionnellement (scènes de tristesse, de colère).
Un groupe avait pour consigne de réagir naturellement.
Un autre groupe était contraint à inhiber toute expression émotionnelle.
👉🏻 Les résultats pour ce 2ᵉ groupe sont sans appel :
rythme cardiaque significativement plus élevé,
pression artérielle qui grimpe,
sentiment subjectif de stress accru.
Retenir ses émotions n’empêche pas l’émotion de nous traverser.
Depuis, d’autres recherches ont montré que ce mécanisme entraîne aussi, à plus long terme :
→ une fatigue cognitive accrue et une altération de la mémoire (on mobilise en permanence des ressources pour contrôler ses émotions) — Richards & Gross, 2000.
→ une dégradation de la qualité du lien social (les partenaires perçoivent davantage de distance, moins d’authenticité) — Butler et al., 2003.
On croit que ça nous protège. Mais en réalité… ça nous coupe de nous-mêmes et ça nous use.
📚 Si tu as envie d’en savoir plus voici les liens vers ces études
👉 Gross & Levenson (1993)— Emotional suppression: Physiology, experience, and expressive behavior
👉 Richards & Gross (2000) — Emotion regulation and memory: The cognitive costs of keeping one’s cool
👉 Butler et al. (2003) — The social consequences of expressive suppression.
🎯 Le micro-challenge de la semaine
Je te propose un petit exercice, simple mais puissant.
Prends 5 minutes cette semaine, rappelle-toi une situation récente où tu as retenu quelque chose : une émotion, un agacement, une peur, une tristesse.
Complète cette phrase : “Là, j’ai ressenti… et je ne l’ai pas dit.”
Pose-toi ensuite cette question :“Qu’est-ce que ça m’a coûté de ne pas l’exprimer ?”
→ Fatigue ? Tension ? Irritation ? Isolement ?
Le premier pas est de reconnaître ce phénomène chez toi car mettre des mots sur ce qu’on retient, c’est déjà commencer à s’en alléger.
🌱 On n’est pas fait pour tout encaisser en silence.
Ce n’est pas de la faiblesse. C’est humain.
Mais on peut apprendre, doucement, à laisser circuler ce qu’on ressent. À se dire qu’on a le droit de le reconnaître. Même juste pour soi, parce que ce qu’on ne dit pas finit toujours par peser.
Pendant longtemps, j’ai été la pro du “ça va”.
Le “je gère”. Le “pas grave”. J’ai mis du temps à comprendre pourquoi je me sentais épuisée sans “vraie raison”.
Ce n’était pas ce que je faisais. C’était tout ce que je portais en dedans, en silence.
Aujourd’hui, je fais plus attention. Je n’y arrive pas toujours hein 🤣 mais j’essaye de mettre des mots sur ce que je ressens et petit à petit je me sens plus légère.
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Épisode #2 du Bordel d’émotions.
Le travail, c’est aussi ce qu’on ressent. On en parle ici. Bordel.
Bonne semaine à toi et rappelle toi :
Travailler autrement. Sans case à cocher. Sans se perdre en route. Et sans oublier ce qui compte.
👉 C’est possible. Et ça commence par soi.